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Au has'art

Le Camp des Saints de Jean Raspail

9 Mai 2015 , Rédigé par Francoise Ccc Publié dans #Littérature

Avertissement: déconseillé aux lecteurs bien-pensants (risques de crise cardiaque).

Pour les autres commencez par lire Big Other, préface à l'édition de 2011; l'auteur y est explicite.

Le Camp des Saints de Jean Raspail a été publié en 1973 et a connu de multiples rééditions. Son thème est sensible et d'actualité: c'est l'invasion de l'Occident par des immigrés miséreux, venus par centaines de milliers s'échouer sur nos côtes dans de vieux bateaux surchargés.

La clé du roman est dans l'épigraphe : « Le temps des mille ans s'achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des Saints et la Ville bien-aimée.» C'est une reprise des paroles du meneur du peuple du Gange, un aménagement de l'Apocalypse, chant XX, versets 7 et 8. Raspail s'inscrit ainsi dans la continuité d'un genre littéraire très ancien, celui de la littérature apocalyptique. C'est une littérature de la révélation (tel est le sens du mot grec «apocalypse») où foisonnent allégories et symboles. L'Apocalypse de Jean de Patmos se présente comme une prophétie annonçant, sous forme de visions, la fin du monde; Jean Raspail, lui, annonce la fin d'un monde, le nôtre, celui de la civilisation occidentale et de son représentant, l'homme blanc.

Une nuit, dans le midi de la France, s'échouent cent navires hors d'âge qui transportent un million d'immigrants; ils viennent du sud, miséreux, ignorants, sans armes, sans agressivité. Ils imaginent l'Europe comme une sorte de Terre promise où coulent le lait et le miel, où les moissons poussent toutes seules, où tout le monde est heureux. Les Occidentaux ont pitié d'eux, éprouvent une sorte de culpabilité; mais tous, pas seulement les Français, se savent menacés de submersion. Que faire?

Raspail décrit les uns et les autres avec leurs réactions.

Les migrants sont originaires de la région du Gange ; dans cette multitude immense aucun n'a de nom; on sait seulement qu'il y a des jeunes et des vieux, des beaux et des laids; on ne voit que leur chef, «le coprophage»; « rouleur de bouse de son métier, pétrisseur d'excréments, façonneur de briquettes de fiente, coprophage aux heures de famine ». Il acquiert de l'ascendant sur ses concitoyens; de haute taille, il est très doué sous le rapport de la parole ; il est en partie à l'origine du mythe de la nouvelle Terre promise car il a compris à sa façon naïve les enseignements des prêtres chrétiens et des anciens colonisateurs. En outre, ce qui accroît son prestige, c'est qu'il a un fils monstrueux que les Indiens considèrent un peu comme un dieu hindou: c'est « une espèce de chose vivante », dépourvue de membres, avec deux trous oculaires sans paupières, un trou pour la bouche, et débile. Les migrants sont caractérisés par leur peau noire, par leur totale ignorance (ils investissent les maisons vides dans le midi sans vraiment comprendre que c'est du vol), par la saleté et même la puanteur: leur flotte est accompagnée d'une odeur pestilentielle due à la crémation imparfaite des cadavres, et à l'utilisation des excréments humains comme combustible. Ignorant les inhibitions des Occidentaux, ils se livrent à de gigantesques partouzes sur les bateaux. Ils sont bien près de l'animalité.

Ils ont des auxiliaires à l'intérieur même de l'Occident: les immigrés, bien sûr, qui comprennent que cette arrivée massive va changer la donne, la forme de la société. Du coup, ils optent pour une attitude non-violente.

Mais c'est aux Occidentaux eux-mêmes que Raspail réserve ses flèches les plus acérées. D'abord, ils ne sont pas solidaires les uns des autres, tout en sachant parfaitement que tous subiront le même sort. L'opinion occidentale est façonnée par les médias. « Et quel concert! Que de talent! Rien que du classique nourri aux plus solides traditions de la grande musique humanitaire. Comment citer tous les maestros? Les premiers jours ce fut un déluge, une avalanche de notes séraphiques à vous tirer des larmes ».Le voyage des miséreux tourne au feuilleton télévisuel, l'information devient divertissement. Les Occidentaux se gargarisent de grands sentiments et de leur charité. Et sur toute le communication règnent journalistes et politiques le plus souvent de connivence. Le journaliste honnête, Machefer, voit son journal partir en faillite car ceux qui n'aboient pas avec la meute sont ostracisés, éliminés. Par opposition, Raspail nous décrit le journaliste Clément Dio qui fait la pluie et le beau temps dans le monde médiatique; c'est un Français d'origine nord-africaine un peu métissé de noir marié à une Eurasiatique auteur de romans à succès. Lui, il est favorable au débarquement des Indiens. Son histoire personnelle explique ce choix mais il se garde bien de le dire. C'est « un vrai serviteur du monstre », allusion à la Bête de l'Apocalypse (Big Other dans la préface) ; cette Bête toute-puissante a des visages multiples, elle est l'instrument de Satan et son interprétation est variable selon les époques; pour Raspail, c'est la Pensée dominante véhiculée par les MSM; et, en la circonstance, cette pensée détruira l'Occident. Quant aux hommes politiques, ils sont surtout veules. Certains, tel le Président, comprennent très bien la situation mais ils sont dépassés par les événements et ne font rien.

Raspail réserve un sort particulier aux églises chrétiennes, manipulées par la Bête. Elles sont avant tout en concurrence les unes avec les autres! C'est à qui sera le plus charitable, le plus altruiste et le plus inconséquent.

Dans cette situation, comment réagit le peuple? Il y a ceux qui croient au refrain médiatique tant qu'ils ne sont pas immergés dans l'action en cours (les Provençaux se sauvent à l'arrivée de la flotte); il y a ceux qui sont dans la bien-pensance totale, en particulier les militaires, il y a les jeunes gauchistes soixante-huitards qui voient dans cette arrivée inattendue une opportunité pour créer une société fraternelle; grâce à eux la nuit du débarquement devient celle de l'abolition non des privilèges mais des lois et du bon sens.

Mais apparaît une autre catégorie de gens, ceux qui veulent résister à l'envahissement comme le capitaine Notaras ou le colonel Dragarès. Comme dans Les Chasses du comte Zaroff, ils traitent les migrants ainsi que du gibier. Et le roman se termine dans atmosphère d'un film d'horreur par l' anéantissement des derniers « résistants »

Ces événements paraissent inéluctables car dictés non par la volonté de Dieu mais par les contraintes économiques et démographiques.

Jean Raspail est-il raciste? Le conflit qu'il présente est plutôt un conflit de civilisations; car parmi les derniers défenseurs de l'Occident on trouve un noir, Français de Pondichéry. Mais c'est peut-être un alibi. Les gens du sud paraissent caractérisés par la mollesse; et les Occidentaux qui étaient énergiques ne le sont plus. Raspail est donc très pessimiste quant à notre devenir;il est trop tard pour trouver une solution au problème, la civilisation occidentale va disparaître ainsi que l'homme blanc. Il se refuse à envisager de possibles évolutions ou un hypothétique melting pot à l'américaine.

Signalons que ce texte est facile à lire car Jean Raspail a du style, de la malice, des connaissances. On n'est jamais loin de la satire « Des célèbres processions qui parcouraient ce jour-là [le vendredi saint] les rues de toutes les villes d'Espagne, ne survivait plus, et depuis longtemps, que le spectacle traditionnel, folklorique et toujours aussi coloré, pénitents en cagoule, musiques militaires, curés déguisés en curés d'antan, pour la plus grande gloire et le plus grand profit des syndicats d'initiative. » Il est moqueur; le cadi a une grande autorité sur ses coreligionnaires: « Le premier qui versera le sang sera aussitôt émasculé sur mon ordre. C'était un Arabe qui savait parler aux Arabes. Il fut obéi de tous, sauf de sa propre épouse, institutrice française. »Mais il y a aussi dans ce texte un aspect de pamphlet extrêmement violent. Raspail décrit volontiers les spectacles horribles ou répugnants, les monstres, la partouze géante, les massacres sanglants.

Bref, voilà un livre qui serait, à l'heure actuelle, impubliable. Heureusement pour Raspail, les lois ne sont pas rétroactives. Et pour le lecteur, presque étonné par la perspicacité de l'auteur,c'est un livre qui donne à penser.

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