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Au has'art

Retraite, méditation et entrainement mental chez les Tibétains

28 Juillet 2015 , Rédigé par Francoise Ccc Publié dans #philosophie

Un paysage apaisant dans le parc.

Un paysage apaisant dans le parc.

Voici le compte-rendu d'un stage que j'ai effectué chez les Tibétains.

Le Centre d'études tibétaines d'Aubry-le-Panthou en Normandie est axé sur la pratique. Un ancien château abrite différents locaux destinés aux retraitants et aux moines ; une grande salle y fait fonction de temple. Dans une petite bâtisse un peu à l'écart se trouve un moulin à prières de 3,5 mètres de haut. A proximité, un stoupa , le plus grand d'Europe, élève sa flèche à plus de 23 mètres. Cet environnent exotique paraît incongru dans le paysage normand mais c'est aussi un dépaysement à peu de frais. Le centre est dirigé par Lama Gyourmé, un moine musicien et éducateur.

Plusieurs intervenants animaient ce stage, le principal étant Pierre Bourges, un formateur professionnel qui s'est spécialisé dans le chimé, la méditation. Le stage a duré trois jours et demi et comportait 180 participants. Les moines et lamas sont des gens agréables, de bonne humeur et d'un abord facile. Le petit déjeuner et les repas étaient servis à des heures normales pour un Européen et ils étaient copieux; la cuisine, excellente, était végétarienne, les œufs et les produits lactés étant autorisés Les cours commençaient à 7 heures (ou à 6 h 15 pour les plus courageux) et se terminaient à 20 h 30 (ou 21 h 45 pour les plus courageux); il n'y avait pas beaucoup de courageux. La journée était rythmée par un horaire très strict: de telle heure à telle heure, on faisait telle chose. De temps en temps on avait différents choix possibles, par exemple pratique de la méditation ou initiation aux instruments de musique tibétains. Le planning était très bien fait ; les cours de méditation, difficiles, alternaient avec des cours plus « divertissants »: musique, qi-gong, gymnastique (souplesse et respiration);ou si on le voulait, on pouvait assister à une cérémonie religieuse.

Ma préférée a été celle de Mahakala, personnage terrifiant mais serviteur du Bouddha ; son nom signifie « le courroucé », c'est un dieu protecteur. Dans la religion bouddhiste, il n'y a qu'un dieu; les autres dieux sont des émanations, des aspects du Bouddha; ou bien ce sont des aspects de nous-mêmes, la pluralité d'interprétation étant permise. Les bouddhistes ne sont pas tenus à assister aux rituels, du moins au Tibet. Il existe trois sortes de bouddhisme: le petit véhicule (chacun prie pour soi), le grand véhicule (les moines prient pour tous les autres) et le véhicule de diamant qui fusionne les deux attitudes précédentes. Les Tibétains usent du véhicule de diamant. Au cours de ces rituels, un lama psalmodie des versets qui sont des prières ou des profession de foi; ces chants rythmés et toujours identiques me paraissent posséder une certaine valeur hypnotique.

Venons-en à la méditation.

L'entrainement mental s'appuie sur les connaissances neuro-scientifiques contemporaines qui empruntent aux méthodes traditionnelles. Il faut savoir que les raisonnements sont conditionnés, culturels; on raisonne toujours de la même façon. Ces façons de penser nous protègent et nous empoisonnent.

Le but ultime de la méditation est « la pleine conscience », un état dans lequel on est à l'écoute, présent ici et maintenant sans faire d'effort; tout le reste est évacué. Il s'ensuit un mieux-être quotidien, le cerveau s'habitue à chasser les pensées secondaires et indésirables et peut acquérir un pouvoir de concentration considérable d'où un accès à des ressources et à une créativité nouvelles.

Comment fait-on globalement? On choisit de se fixer sur une pensée et on se rend compte que d'autres pensées arrivent en foule; on les chasse ; on dit alors qu'on fait des »rappels ». Et à la fin, il n'y a plus de rappels à faire.

Dans la vie quotidienne, on peut penser, de temps en temps à gérer sa parole, c'est-à dire à ne pas parler quand on n'a rien à dire. On peut aussi, pendant deux secondes, prendre conscience de ce que l'on fait en ramenant l'esprit au moment présent. On peut aussi , pour préserver la mémoire et apprendre à se concentrer, pratiquer « la journée à rebours »: on s'assied à côté de son lit, le soir, et en 3 minutes on se remémore sa journée, à l'envers.

Pour méditer, c'est différent. Il faut s'asseoir dans un endroit tranquille, puis concentrer son esprit sur un objet, par exemple un sucre. Bien sûr, l'esprit s'écarte; alors on fait un rappel. On médite d'abord avec support, puis sans support (on imagine le sucre) et enfin sans objet. Voici quelques exercices proposés.

Exercice 1.

S'asseoir confortablement, se concentrer sur sa respiration en gardant le regard vers le bas.

Exercice 2.

Compter les cycles respiratoires, un cycle étant une inspiration et une expiration, pendant 2 minutes. C'est une béquille: l'intellect compte ce qui l'empêche de « partir ».

Exercice 3.

Même chose que dans l'exercice 2, mais on ne compte qu'un cycle sur deux.

Exercice 4.

Rester ici et maintenant le plus longtemps possible avec le regard à l'horizontale.

Une fois qu'on a à peu près maîtrisé ces exercices, on peut passer à la méditation brève en 5 étapes:

1.S'asseoir et être présent ici et maintenant, le regard dirigé vers le bas. Un seul rappel est permis. Si l'esprit « part » à nouveau, on passe au point suivant.

2.La journée à rebours.

3.On se fixe sur un objet visuel, devant et vers le bas.

4.Même chose que précédemment mais en plus on compte les cycles de respiration.

5.Retour au 1 et repos. Se donner rendez-vous au lendemain.

Cependant,il y a des gens qui ont tellement de problèmes qu'ils ne peuvent pas apprendre à méditer. Et là l'enseignement bouddhiste entre sérieusement en lice. Car c'est d'abord pour eux qu'il existe: en effet, le Bouddha était un prince du nord de l'Inde qui vécut vers 650 avant Jésus-Christ et qui, constatant les malheurs de l'homme, s'est demandé comment faire pour supporter la souffrance. Selon les bouddhistes, il existe des idées qui peuvent changer la tournure de l'esprit; elles font leur chemin et travaillent sur le long terme, si on se les répète régulièrement.

La première est celle de l'impermanence: tout ce qu'on a aujourd'hui, on le perdra: jeunesse, beauté santé...et finalement la vie. Il y a aussi des choses qu'on peut perdre: argent, position sociale, amour, êtres chers...;il faut bien le savoir.

La deuxième idée importante concerne la loi des causes et des effets. Les Tibétains pensent qu'on est conditionné par le karma; un Occidental dirait plutôt qu'on est conditionné par des causes internes et externes. Selon les bouddhistes, il ne convient pas d'assumer ce qui ne nous appartient pas; c'est le contraire de la culpabilité judéo-chrétienne. Car même nos choix résultent de ce qu'on a culturellement appris à faire. Ce qui est important, ce ne sont pas les événements, mais nos réactions qui construisent notre avenir. Le passé n'existe plus que dans nos représentations mentales; il en va de même du futur ; la réalité de la vie est donc dans l'instant et chacun est responsable de ce qu'il sera demain.

La troisième idée est relative au côté imparfait de nos conditions d'existence. On est construit autour de l'instinct de conservation mais on est aussi construit pour mourir. On est dans une contradiction, une imperfection qu'il faut assumer. Il faut accepter la possibilité d'échouer, cela augmente la réussite. Pensons par exemple au sport.

La quatrième et dernière idée s'attache au côté précieux de notre existence : « Que fais-je de ma vie? Qu'est-ce que je souhaite pour l'avenir? » Mais attention: le bonheur ne doit pas être conditionné à quelque chose de précis que l'on peut perdre.

Par ailleurs, sans être dans une situation extrême, beaucoup de gens ont des difficultés pour méditer. La plupart des idées qui interfèrent relèvent de quatre catégories: la malveillance, la jalousie, le doute ou l'incertitude, le désir ou l'attachement. Après en avoir pris conscience, on tentera de développer le contraire dans la vie quotidienne. Si on se conditionne, les méditations deviendront plus calmes. On peut agir sur trois domaines: l'esprit, la parole, le corps.

Pour avancer, on doit pratiquer, et la méditation longue est plus efficace que la méditation courte.

La méditation est une décantation, elle nécessite de rester longtemps sans rien faire. On choisira donc un lieu et un moment propices.

Puis, pendant une heure on compte , de manière semi-automatisée, les cycles respiratoires: c'est ce qu'on appelle l'attention relâchée. Ne pas s'endormir! Il est permis de faire une pause, des mouvements. Les idées parasites vont finir par s'épuiser.

Après, on repart à 1 et on compte jusqu'à 10 en se concentrant sur sa respiration et en fixant un objet. C'est l'attention soutenue. Rester immobile sans tension.

Ensuite, on se livre à toute une série de calculs que je ne retranscrirai pas ici : ils sont à la fois simples et astreignants. On alterne selon ces calculs, l'attention soutenue et l'attention relâchée. Au bout d'une heure et demie, il est permis de s'arrêter, de prendre une collation ou même de faire une sieste. Puis on continue en partant de l'endroit où on s'est arrêté ou bien on repart à zéro.

A la fin, on reste là, présent, sans rien fixer, regard à l'horizontale.

Quand on échoue dans une étape, on revient en arrière.

Il existe une autre pratique à connaître: les souffles résiduels.

La visualisation (le fait d'imaginer qu'on voit un objet) fait « bouger » le cerveau, on s'en rend compte à l'IRM.

S'asseoir si possible en tailleur, les mains sur les genoux.

Inspirer par le nez, en fermant les mains, pouces à l'intérieur, appuyant sur la base de l'annulaire.

Expirer en imaginant ses tensions, sous forme d'éclairs par exemple et en ouvrant les mains .

On effectue l'exercice trois fois de suite, yeux ouverts.

Signalons enfin toutes sortes de défauts qui peuvent se manifester au cours de la méditation: la paresse, la léthargie, l'attachement aux activités du monde, le découragement ou la dépréciation de soi, l'oubli des instructions, celles qu'on a reçues ou celles qu'on s'est données, la torpeur ou l'agitation. Il faut à chaque fois essayer de mettre en place un antidote. Si on ne se sent pas bien, une promenade est possible en regardant autour de soi et en comptant les cycles respiratoires de manière semi-automatique.

En conclusion, disons qu'on peut effectuer ce stage pour divers motifs; le mien n'était pas du tout religieux, mais je pense que les techniques inspirées par les Tibétains peuvent amener à une maîtrise de l'esprit. Chacun est soucieux d'entretenir son corps le mieux possible, alors pourquoi pas son esprit? Ici, il est question non de l'instruction ou de l'intelligence, mais de l'équilibre mental. Pouvoir de temps en temps se dé-stresser, dans la société actuelle n'est pas un luxe. Et si on est capable de chasser des idées envahissantes pour « faire le vide », on est capable aussi de les chasser quand on se concentre sur tel ou tel sujet. Donc une pratique, même mesurée, de la méditation ne peut avoir que des effets bénéfiques.

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